Les GY sous la bannière Morane-Saulnier

Dans la longue histoire d’avionneur qui mène de Morane-Saulnier à Daher, figure un épisode un peu oublié, celui du transfert de la production du Gardan GY-80 à Tarbes. Un épisode où se dessine la nouvelle orientation de l’entreprise peu après sa prise de contrôle par Sud Aviation.

Nous sommes en mai, voici 60 ans. Depuis le début de l’année 1965 Morane-Saulnier poursuit son activité sous la férule de Sud Aviation. Henry Potez, qui gérait l’entreprise dans le cadre de la Société d’exploitation des établissements Morane-Saulnier (SEEMS) a fini par jeter l’éponge. Poussé par le gouvernement, le général Puget. président-directeur général de Sud-Aviation, a fait une offre de reprise des actifs, par une nouvelle société la GEMS (Gestion des établissements Morane-Saulnier). Une intention confirmée lors d’une visite à Tarbes le 2 mars. Reste à organiser la suite. Sud Aviation produit déjà une gamme d’avions légers les Gardan GY-60 et GY 80 (GY pour Gardan Yves, leur concepteur) dans l’usine de Rochefort (Charente) tandis que son bureau d’études travaille sur une version pressurisée du bimoteur d’affaires « Jupiter », un push-pull imaginé par le pilote d’essais et député André Moynet et réalisé par Matra. Chez Morane-Saulnier, l’essentiel du plan de charge porte sur la fabrication des Rallyes, dont le 500e vient de sortir de chaîne, et les voilures de Fouga Magister. Les autres espoirs de production, comme l’avion de transport régional Potez 840 se sont envolés avec le retrait d’Henry Potez. Et l’avenir du biréacteur « Paris III » est incertain. Un contexte que décrit le journal Le Monde dans son édition du 4 mars 1965.

https://www.lemonde.fr/archives/article/1965/03/04/morane-saulnier-devient-une-filiale-de-sud-aviation_2174709_1819218.html

Le prototype du Gardan GY-60 lors de son premier vol en 1960.

Après bien des discussions, la direction de Sud-Aviation décide de regrouper les activités aviation générale sur un seul site, celui de Tarbes-Ossun-Lourdes. En même temps que la reprise légale des actifs de Morane-Saulnier, le 20 mai 1965, l’opération du transfert est lancée. Gérard Frances, alors dessinateur au bureau d’études outillage, se souvient avoir été envoyé avec deux autres collègues, Marcel Salvat et Bernard Brandan, à Rochefort récupérer la documentation technique. Ils sont l’avant-garde avant le transfert des outillages. Après une escale à la cave de Génissac en Gironde – bien connue aujourd’hui pour son crémant de Bordeaux – les voilà à Rochefort où l’accueil est plutôt glacial. Le transfert est plutôt mal vécu par le personnel de Rochefort dont l’activité va âtre redéployée dans la sous-traitance et quelques années plus tard dans la fabrication de sièges aéronautiques.

Les avions en question, les Gardan « Horizon » sont des petits avions de voyage compacts, quadriplaces entièrement métalliques, à train rentrant, réputés faciles à construire, et dotés de performances légèrement supérieures aux Piper PA-28 de puissance équivalente. Deux versions sont produites le GY-60 avec un moteur Lycoming O-320 de 160 ch et une hélice à pas fixe et le GY-80 avec un moteur Lycoming O-360 de 180 ch et une hélice constant-speed. A l’issue du premier vol le 21 juillet 1960 à Villacoublay sur l’aérodrome Morane, une pré-série de 10 appareils est lancée. A la suite d’un essai de l’avion par André Turcat, un accord de licence est passé avec Sud Aviation. La production s’articulait entre les sites de Nantes et Rochefort, les livraisons étant assurées par Yves Gardan.  123 avions ont ainsi déjà été livrés. Mais comme nous l’avons vu la direction de Sud Aviation a d’autres projets pour ses sites de Nantes et de Rochefort.


Et les avions n°124 et 125 n’ont pas été lancés en production sur la chaîne. Leurs pièces vont partir pour Tarbes avec l’ensemble des outillages. Le GY-80 n°126 est donc le premier de la famille mis en fabrication sur le site de Tarbes aux côtés des Rallyes dans ce qui est aujourd’hui le bâtiment dédié aux frères Morane. Classé le 26 janvier 1966, c’est le premier d’une longue série qui va se poursuivre sous la marque Sud Aviation, puis SOCATA (pour Société de Construction d’Avions de Tourisme et d’Affaires), une nouvelle entité juridique formée le 1er juillet pour gérer les actifs de Morane-Saulnier. Cette année là 47 Gardan sortent de chaîne à Tarbes, en majorité des GY-80 dont le n°160 qui va être acquis en 1968 par le chanteur Jacques Brel. Ce dernier, déjà propriétaire d’un GY-60, est un fan de l’avion au point de le faire figurer sur la pochette d’un de ses disques.

Le GY-80 sur la pochette du 45 tours.

Parmi les autres avions remarquables : l’un d’eux va être acquis par le chercheur René Hirsch pour servir de prototype à son système d’absorption de rafales. La production des GY-80 va se poursuivre jusqu’en 1969, le dernier GY-80 étant le n°260. Le bureau d’études de SOCATA, alors dirigé par Joseph Rostaing, s’est lancé dans une révision complète de l’avion qui aboutit au premier avion SOCATA le ST 10, plus grand, plus puissant mais ceci est une autre histoire.

Les chaînes d’assemblage de SOCATA en 1969 à Tarbes-Oussun avec les Rallyes à gauche, et les GY-80 à droite.
Philippe Langlois, ancien vendeur de SOCATA et son GY-80 n°229, acquis avec Joël Jaubert, photographié à Tarbes, lors de la célébration du centenaire de Morane-Saulnier.
Le GY-80 n°186 magnifiquement restauré par son propriétaire danois.

Un site pour en savoir plus…

L’Association des Propriétaires d’Avions Gardan (APAG) dont l’objet est de faciliter le maintien en vol de ces avions aujourd’hui orphelins et organise annuellement des rassemblement d’avions Gardan. Son site fourmille d’informations sur cet avion, son histoire et notamment une liste complète des avions produits,

https://avionsgardan.org/accueil/

Laisser un commentaire

search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close