Naissance de l’aviation de chasse

Alors que la réplique du Type L-R02 a entamé ses essais en vol, nous commémorons ce mois-ci la naissance officielle de l’utilisation de l’avion pour assurer la maîtrise du ciel. Petit rappel de l’importance historique du Morane-Saulnier Type L voici 110 ans, s’impose. Le Type L est une version agrandie du Type G « Parasol » apparu en septembre 1913, doté de deux postes distincts pour l’équipage. Il est commandé à 50 exemplaires par l’empire Ottoman dont les émissaires ont tout de suite perçu l’intérêt militaire. Puis l’armée française en commande une douzaine début 1914, avant de réquisitionner les avions ottomans lors de la déclaration de guerre d’août 1914. Sous l’appellation de MoS 3, les 50 avions commandés vont équiper deux nouvelles escadrilles le MS 23 et la MS 26, envoyées à Toul le 15 août 1914. Roland Garros, engagé volontaire, réussit à faire reconnaître son statut d’aviateur et obtient de rejoindre la MS 26, où il parvient à faire affecter également Jules Hue, son fidèle mécanicien. Ardent patriote, il fait partie de ceux qui s’agacent de voir les avions ennemis survoler les lignes françaises en toute impunité. Côté Allemand, l’état-major a interdit formellement toute utilisation guerrière des avions, de peur de déclencher des représailles.

Le commandant de Rose (5e en partant de la gauche) entouré des pilotes de la MS 12. Le 1er mars 1915, elle est officialisée comme la première escadrille de chasse.

En France la doctrine officielle est que l’aviation doit servir uniquement pour l’observation, et encore quand les aviateurs sont écoutés. Cependant des aviateurs Français plus belliqueux et plus indisciplinés commencent à s’armer et embarquent les armes les plus diverses : carabines, mousquetons, grappins à la dynamite, etc. Et ce sans beaucoup de résultats jusqu’au 5 octobre 1914. Ce jour-là l’équipage formé par le pilote Joseph Frantz et le mécanicien-observateur Louis Quenault dispose sur leur Voisin III équipé d’une mitrailleuse de cavalerie Hotchkiss montée sur un trépied installé par Charles Voisin avec l’accord du commandant d’escadrille. Lors de leurs missions d’observation et de bombardement, ils se sont rendus compte du nombre d’avions ennemis survolant les lignes françaises et ont tenté de les chasser à coup de carabine sans succès. Avec leur avion armé, ils remportent le premier combat aérien de l’histoire au retour d’une mission de bombardement. L’avion allemand s’écrase à proximité d’un village de la Marne, près du camp où le le général Franchet d’Espérey,  commandant la 5e armée effectue une inspection. Cela conforte le commandant Charles de Tricornot de Rose, chef de l’aviation de la 5e armée, dans son idée de créer une aviation de combat. Cet ancien cavalier passé à l’aviation avant la guerre, va aisément convaincre son supérieur de soutenir le projet. en outre la bataille de la Marne venait de démontrer le rôle stratégique de l’aviation. Cela aboutit à relancer la dynamique de l’aéronautique avec la nomination d’un nouveau commandant, la réouverture des écoles de pilotage et la commande de nouveaux avions qui ont fait preuve de leur efficacité dont le MoS 3. Ce dernier est choisi comme avion standard pour les missions de reconnaissance, notamment derrière les lignes ennemies en raison de sa vitesse élevée et va équiper trois nouvelles escadrilles : la MS 3, la MS 12 et la MS 38 qui se joignent aux escadrilles déjà équipées MS 23 et MS 26. Mais le commandant de Rose a une autre ambition pour cet avion : s’assurer de la maîtrise du ciel. Tandis que les initiatives individuelles se poursuivent dans les escadrilles : 4 victoires sont remportées à bord du « Parasol ». Le 2 novembre 1914, le Sergent Eugène Gilbert va remporter, en compagnie du Capitaine Marie de Vergnette de Lamotte, comme observateur-mitrailleur, la première victoire homologuée de l’escadrille 23. Gilbert renouvellera ses exploit, les 18 novembre, 17 décembre 1914 et 10 janvier 1915. Il recevra la Légion d’Honneur pour ses faits d’armes. 

L’idée poursuit son chemin dan les méandres des bureaux de l’état-major pour aboutir finalement le 1er mars 1915 avec la notification officielle de la nouvelle mission de l’escadrille MS 12 : la chasse. Ses pilotes, pour la plupart d’anciens cavaliers, vont désormais rechercher l’affrontement avec les avions ennemis, et leur observateur-mécanicien sera chargé de les abattre, à la carabine. Un premier appareil allemand est abattu un mois plus tard, victoire attribuée à l’équipage Jean Navarre et Jean Robert, le 1er avril 1915. Or le même jour, Roland Garros remporte sa première victoire avec un dispositif qu’il a mis au point secrètement pendant l’hiver sur la base d’un brevet déposé par Raymond Saulnier : un système de tir à travers l’hélice.

Une des quelques rares photos connues de l’installation de la mitrailleuse Hotchkiss sur type L, parfois appelé Type LH. C’était à l’époque un secret bien gardé.

La synchronisation n’est pas encore au point, car la mitrailleuse Hotchkiss à vérin à gaz ne le permet pas, mais Roland Garros a fait adapter un déflecteur sur l’hélice. Le pilote peut amener son avion sur la cible. Quelques jours plus tard, il s’adjuge deux autres victoires sur des avions allemands prouvant la terrible efficacité du système. Victime d’une panne moteur le 18 avril, Roland Garros ne réussit pas à détruire son avion avant d’être capturé. Tandis que son système est analysé par les Allemands avec l’aide du constructeur Anthony Fokker, la mitrailleuse s’impose au sein des escadrilles dotées du MS Parasol dont la chasse devient la mission prioritaire. C’est d’abord en affût sur l’aile supérieure, puis d’autres avions sont équipés du système expérimenté sur le Type L de Roland Garros qui deviennent des Type LH. De nouveaux pilotes émergent comme le jeune Georges Guynemer avec le mécanicien Guerder qui remporte sa première victoire aérienne le 19 juillet 1915. Entretemps les Allemands sont entrés dans la danse avec le Fokker Eindecker équipé d’une mitrailleuse MG 14  parfaitement synchronisée.

Morane-Saulnier Type L doté du système de tir à travers l’hélice, mais pas celui de Roland Garros.

L’aviation de chasse est née et avec elle l’ère des combats aériens. Pour en savoir plus vous pouvez lire ou écouter un extrait du livre consacré au commandant de Rose. https://smartlink.ausha.co/aerobuzz-fr-le-podcast/carlo-de-rose-cavalier-du-ciel-poetique-du-ciel-133

Et sur internet l’historique complet de l’escadrille MS 12 première escadrille de chasse http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille012.htm

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