
Dans la série de nos annversaires des années en 4, nous célèbrons cette année le premier vol du MS 760 « Paris » un avion révolutionnaire pour l’époque. Et ceux qui ont la chance d’assister au meeting de Morlaix, pourront voir évoluer celui de nos amis d’Armor Aero Passion.
Une aventure technico-industrielle qui a pourtant résulté d’un échec. Morane-Saulnier, spécialiste reconnu de l’avion d’entraînement depuis l’époque des « Parasols » est au début des années 50 en concurrence avec Air Fouga pour la fourniture d’un biplace d’entraînement à réaction. Conçu autour de deux réacteurs Marboré de 400 kg de poussée, le MS-755 “ Fleuret ”. L’un des points faibles de l’avion concurrent étant la visibilité de l’instructeur assis en place arrière, René Gauthier le directeur technique et son équipe ont opté pour la configuration côte à côte.

Autre aspect privilégié lors de la conception : réduire le temps de maintenance. Premiers avions d’entraînement modernes mis en service en nombre depuis les Morane Parasol, les “ Vanneau ” avaient mis en lumière la nécessité d’un entretien simplifié. Dans ce but Morane-Saulnier a mis l’accent sur l’accès aux parties vitales de l’avion, en particulier sur le démontage facile des réacteurs. Des solutions se traduisent par une moyenne de 6 h d’entretien nécessaire par heure de vol pour le MS-755 contre 15 h pour le MS-472.

Construit à Puteaux, le prototype du MS-755 est emmené ensuite à Melun-Villaroche pour débuter les essais en vol. En janvier 1953, soit six mois après le premier vol du Fouga Magister, Jean Cliquet secondé par le mécanicien-navigant Fernand Naudy, fait décoller le “ Fleuret ”.
Après six mois de suspense, les démonstrations se multiplient devant les officiels français et les représentants de l’OTAN, le verdict tombe en faveur du Fouga “ Magister ” le 11 juin 1953. Ironie du sort Fouga ne possédant alors pas les installations nécessaires, les cent premiers CM-170 vont être construits par Morane-Saulnier.
MS 760, un quadriplace nommé Paris
René Gauthier ne s’est pas laissé abattre par le choix de l’état-major français. Il imagine de faire sur la base du 755 un avion de liaison, ce sera alors le premier de sa catégorie. Le second prototype du MS-755 est donc transformé en quadriplace en allongeant le fuselage. L’avion devenu alors le MS-760 “ Fleuret 2 ” effectue son premier vol 29 juillet 1954 à Melun-Villaroche, piloté par Jean Cliquet, avec Rémy Raymond, comme mécanicien-navigant.
D’après Jacques Noetinger dans son livre « Histoire de l’aéronautique française, L’épopée 1940-1960. » après ce vol de 25 minutes, Jean Cliquet redécolle pour ramener l’avion à l’aérodrome de Morane-Saunier à Villacoublay estimant qu’il n’avait pas besoin d’une piste en dur pour la suite des essais.
Après deux mois d’essais et une quarantaine d’heures de vol, le prototype Fleuret II, est rebaptisé « Paris » pour le transport d’un haut personnage… et ce nom va lui rester. Le VIP en question n’est autre que Diomède Catroux, secrétaire d’état à l’Air, accompagné de son directeur de cabinet et son aide de camp pour aller à une réunion au sommet de l’OTAN sur la base de Bitburg près de Trèves. Ce 23 septembre 1954, l’aller est réalisé en 40 minutes et le retour en 33 minutes soit une moyenne de 550 km/h. Evidemment cette arrivée d’un ministre français en jet fait sensation.

Le lendemain pour commémorer le 41e anniversaire de la traversée de la Méditerranée par Roland Garros, Jean Cliquet effectue un aller-retour Alger, via Marseille-Marignane à la vitesse moyenne de 570 km/h. Doté de nouveaux bidons de carburant en bout d’aile, le MS-760 atteint la vitesse de Mach 0,7 ou 350 nœuds soit 630 km/h environ. Jean Cliquet, l’ingénieur d’essais Fontaine et le mécanicien Rémy Raymond décollent à 6h25 de Villacoublay, ravitaillent en 28 minutes à Marignane et se posent à Alger à 9h53. Après un nouveau ravitaillement express en 33 minutes l’avion repart pour Marignane pour un nouveau ravitaillement en 26 minutes et rejoint Villacoublay à 13h27 ayant parcouru 2770 kilomètres en 5h09 de vol soit une moyenne de 538 km/h.

Premier avion quadriplace à réaction, le “ Paris ” suscite alors un vif intérêt dans le monde entier notamment chez le constructeur américain Beechcraft…. Finalement il fera surtout carrière au sein des forces armées comme avion de liaison, en France (Armée de l’Air, Marine) mais aussi en Amérique du Sud (Argentine, Brésil) comme avion d’entraînement. L’Argentine étant le dernier pays à le retirer du service. Et n’oublions pas quelques utilisateurs prestigieux comme le shah d’Iran, Harald Quandt, héritier de BMW, le chanteur Frank Sinatra et bien d’autres.


Si seulement 157 MS 760 ont été construits, toutes versions confondues, l’avion a marqué l’histoire comme précurseur de l’aviation d’affaires. Imprégnant au passage la culture contemporaine au cinéma ou en BD. il eut même droit à un timbre. Et ce premier Very Light Jet continue de faire rêver les passionnés. 70 ans après son premier vol il en reste encore une dizaine en état de vol, sans compter de nombreux projets de restauration. Et voici peu certains envisageaient même de relancer sa production en Chine.


